top of page

Bruxelles mars 2022 

Pour sa troisième exposition personnelle à Rossicontemporary, Charlotte Flamand présente dans les quatre salles de la galerie des peintures et des techniques mixtes inédites réalisées dans le courant de l'année 2021-2022. L'ensemble des œuvres exposées témoigne d'une nouvelle tangente dans la démarche de l’artiste, amenant ainsi de nouvelles interrogations, tout en restant fidèle à ses questionnements sur la sémantique, le symbolisme, les moyens de représentation poétique. Témoignant une fois de plus de sa maîtrise de la technique, son travail est cependant empreint d'une spontanéité immaculée : relier les divers segments de son exploration d'une année comme des phases se contorsionnant intelligemment les unes dans les autres, centrées sur le mouvement de la traduction.

 

Si les peintures sur acier de Charlotte Flamand étaient lisses et perplexes dans les énigmes de leur planéité, ses œuvres les plus récentes se distinguent par le jeu et l'exploration qu'elles proposent. Pas seulement dans la surface de leur support : gratté, pénétré, collé ou sculpté. Ici, l'acte de "retirer et d'ajouter" est plus grave, il est plus grossier dans sa physicalité mais aussi dans les relations qu'il initie. L'idée de jeu n'est pas seulement intimement liée à l'artiste et à son travail, elle s'étend également à l'extérieur. Flamand ouvre une conversation avec le spectateur - nous invitant à regarder de plus près et pour plus longtemps, à distinguer les différentes couches, incitant notre œil à scintiller avec l'éclat des perles de métal, à éblouir au-delà des perforations.

 

En quête d'inspiration extérieure, comme le symbolisme trouvé dans la rue ou les anecdotes de ses expériences, l’artiste se tourne vers l'extérieur - à discerner des personnages et des formes personnifiées. Cette impulsion est le verso de l'année écoulée que l'artiste a passée en atelier. Flamand s'est permis de s'aventurer, d'explorer avec une légèreté contrôlée les thèmes et les motifs qui la fascinent, mais aussi de se plonger dans l'acte de peindre. Cette tension est commune à l'œuvre de l’artiste. Elle écrit : "Je pense à l'hétérogénéité dans mon travail - que je ne cherche pas forcément mais que je trouve toujours - sur l'écart, la déviation, la différence, qui sont aussi des moyens que j'utilise pour peindre. Là, je découvre une dimension poétique".

 

Charlotte Flamand a d'abord constitué une matrice de motifs et de mots présents dans ses travaux antérieurs, donnant un autre niveau de lisibilité aux thèmes et au symbolisme qui animent son iconographie. Catégorisés et classés, ils deviennent un condensé à partir duquel il est possible de recommencer. Son œuvre " Abécédaire décomplété non fermé (méthode pour la peinture) " porte bien son nom : il s'agit d'une approche méthodologique, permettant à ses peintures satellites de respirer afin de comprendre comment la matière est appliquée, de s'éloigner du sujet lui-même. Se détournant de l'imagerie et de ses mystères, elle préfère "se rapprocher d'une structure associative libre, comme lorsqu'on pense ou qu'on parle".

 

Les thèmes des transitions d'une sphère à l'autre sont caractéristiques du travail de l’artiste (de la forme à l'image, du langage au son, du vers au motif), mais ici l'artiste les a déconstruits jusqu'au cœur, les a mis à nu. En utilisant des signes francs, des symboles gestuels, les idées sont contenues et pourtant déduites et peuvent ainsi s'envoler à l'infini. Cette approche est indéniablement un coup de force au mouvement de rejet et d’addition tapi dans la pratique de l’artiste.

 

Organisée par pièces, l'œuvre de l’artiste se décline en différents temps. S'il y a celui de la nostalgie, de la restitution du passé, dans " La ménade ", " L'homme élastique " ou dans " Ciel étoilé ", on retrouve dans une autre salle avec des œuvres comme " L'avion " ou " L'arbre " des fragments de parole. Ses travaux sur acier, grattés et manipulés, assemblent des exemples d'inspiration trouvée. "Les mains" ou "Les portraits" sont des signes, des résultats ou des événements d'actions. Enfin, son alphabet est une matrice verbatim. Chaque œuvre est un type de traduction, de conversion, le tout jouant avec une chronologie désordonnée. De précieux éclats de perte ou de gain émanent de chaque changement de phase.

 

Dans cette exposition, nous sommes témoins de la consommation par Charlotte Flamand de différents moyens d'exploration de son propre travail. Avec une précision experte, un jeu généreux et pourtant contrôlé, cette exposition est elle-même le témoignage d'une transformation et d'une succession indirecte et perplexe.

 

Claire Oberst

bottom of page